mercredi 1 février 2012

A cause d'une peau de banane ! Extrait (exclusif) du roman Real TV de Hieronymus Donnovan.


Samedi 12 juin 1993.

9H10 – Rémi

Alors du coup, me voilà à jouer à Super Mario Kart en écoutant Nirvana. Pour moi, un jeu vidéo c'est pas de la rigolade, c'est une lutte de tous les instants, comme la vie en plus vrai. Alors, Arnaud qui se met à accompagner son groupe préféré au chant, c'est pas super bénéfique à ma concentration. J'essaye de m'isoler, d'imposer un filtre sonore à chacune de mes oreilles. C'est dangereux dans un sens, car à chaque fois que je m'enferme en moi-même, je pense à trop de trucs bizarres. Des fois, il se passe même de longs moments avant que je m'en rende compte. Vu ma passion pour l'école, c'est là-bas que ça m'arrive le plus souvent.

Bon. Respiration. Concentration. Expiration.


Nous voici devant l'écran de choix du conducteur, je prends Koopa Troopa, un bon compromis entre la vitesse et la tenue de route. Je préfère assurer, la situation n'est pas idéale. Le choix de mon adversaire s'arrête sur Mario. Erreur de débutant. Je sélectionne le niveau 150cc (le plus difficile, on est des vrais joueurs!) puis la coupe Champignon, euh, la plus facile. La plus courte surtout, histoire de pas trop « perdre » de temps, j'ai trop envie de commencer Final Fantasy et j'oublie pas notre passage nécessaire au vidéo-club. Un samedi, faut pas s'y rendre trop tard pour avoir le choix. Surtout si on veut se prendre les plus sanglants (et cons...) Vendredi 13: Le premier, puis du 6 au 8. Il paraît que le nouveau, Jason va en enfer, va sortir aux États-Unis pour les grandes vacances. Ils ont de la chance, les Ricains.


Nous, on attend le mois d'août avec impatience, y a le nouveau Schwarzy qui sort, une histoire dans laquelle un gosse plonge dans un film. Je sais plus le titre mais ça avait l'air génial quand on a vu la bande-annonce avant Cavale sans issue (qui lui était pourri, le Van Damme qui fait son romantique, c'est pas top). Ah, voilà, je me suis encore perdu dans moi-même. La course a déjà commencé et je viens de rater mon départ, puis de me prendre un des tuyaux verts placés au niveau du premier virage. Mon pote, déjà à la première place, se marre et continue à chanter. Ça commence mal. A force de jouer avec moi, il connaît ma façon de faire et sait qu'il n'y aura aucune communication entre nous deux tant que la partie ne sera pas terminée. Je me relance dans la course, Donkey Kong Junior arrive derrière moi et me dégomme, je perds des pièces et du temps (et oui, même ici le temps c'est de l'argent). Je remonte tranquillement les concurrents en cinq tours. Dans le final, alors que la musique s'accélère, je m'approche tranquillement de Mario. Puis, lorsque je suis à quelques centimètres de lui, j'utilise une étoile pour devenir invincible. Je prends bien soin de le toucher, ce qui le dégage dans le décor et lui fait perdre quatre places d'un coup. Je suis premier. Fallait que je lui montre qui est le vrai joueur dans cette pièce. Un truc de gagnant. J'ai quand même eu du pot, faut que je fasse attention pour la suite.


Deuxième circuit, la plaine Donut, je réussis mon démarrage et prends la tête de la course. J'ai longtemps eu beaucoup de mal avec cette piste, les virages sont secs et me poussent souvent à passer sur l'herbe, ce qui ralentit considérablement mon allure. Je me place directement à la première place en sachant que ce n'est pas la technique la plus habile. Mario me suit de très près, et je me rends compte que mon pote s'est intensivement exercé chez lui. Le jeu nous fait un caprice surprenant, puisqu'il a décidé que notre challenger (en gros, celui qui sur toutes les courses nous emmerdera pour prendre la première place) est Bowser. Mario en fait les frais se prenant des coups et volant dans le décor. Chacun de mes passages sur les cases mystères est récompensé par des carapaces vertes que je balance n'importe comment pour m'en débarrasser. J'aide involontairement mon principal concurrent, vu que l'une de mes carapaces frappe Bowser. Mario se rapproche alors dangereusement de moi, mais au dernier tour, j'ai la chance de récolter un champignon me permettant d'utiliser un raccourci (un trou dans un mur, sur un sol en herbe) et d'éviter un virage dangereux. Je termine premier, Mario second.


Le château hanté. La course la plus difficile. Un virage raté et c'est la chute dans le vide. Je prends la première place dès le départ, mais je suis vite dégommé par une carapace rouge. Au son du rire du mec assis à côté de moi, je devine facilement qui est à l'origine de cet attentat. Je plonge vers le vide, rattrapé par un nuage qui me fait payer une pièce pour le rapatriement. Il prend bien son temps et je me retrouve à la sixième place devant Donkey Kong Junior. J'essaye de revenir au-devant de la course, mais je me prends successivement un œuf explosif de Yoshi, un champignon piégé de Toad et une boule de feu propulsée par les fesses de Bowser. Une nouvelle chute et deux pièces plus tard me voici cinquième au dernier tour. Une fois de plus, la chance est de mon côté, en passant sur une case mystère, j’obtiens une plume. Celle-ci me permet de voler vers un passage secret dont l'issue est située au niveau de l'arrivée. Je gagne une place. Arnaud remporte cette course, je suis quatrième. J'ai honte de moi. Le premier pas vers une remise en question. Je reste optimiste, les deux courses suivantes sont relativement simples.


Dans le château de Bowser, aucune grande difficulté, mis à part l'évitement nécessaire de statues s'écrasant sur le sol et obstruant la piste. Je prends directement la première place, avec l'habitude de creuser beaucoup d'avance sur mes concurrents. Mais ici, Mario me colle. Plusieurs carapaces vertes me frôlent de quelques millimètres, divers objets dangereux croisent ma route, mais contrairement à la course précédente, je ne me laisse pas avoir. J'obtiens un champignon et l'utilise au moment où Arnaud tente de copier ma technique en utilisant une étoile dans l'avant-dernier tour. Mon avance est large, je me dirige tranquillement vers une nouvelle victoire. Mais quoi? Ah le salaud. Il vient de récolter un bonus rare. A quelques secondes de mon passage sur l'arrivée, un éclair me tombe dessus. Me voici transformé en mini-pouce, mon kart en Micro-Machine. Mon moteur n'est plus qu'un deux poneys, Mario me double et Bowser me dégomme carrément. Me voilà troisième, quelques millimètres devant la princesse Peach. C'est quoi ce week-end de merde!!!!
J'y crois pas, j'ai 22 points. Je suis second derrière Mario et ses 23 points. Obligé de gagner cette dernière course. Punaise, je ressens un truc bizarre, une pression. Je gagne toujours sur ce circuit, il est facile. Mais j'ai comme un manque de confiance : mon pote, ce mec en train d'hurler « The sun shines in the bedroom when we play » comme un taré, est en train de me battre. Un truc qui foutrait en l'air le meilleur des hommes.


Bon, c'est parti. A part des taches d'huile pas placées dans des endroits stratégiques, il n'y a pas de grande difficulté dans cette course finale. Nous sommes premiers ex aequo, mais c'est Mario qui démarre en pole-position. Cette fois, je décide de me la jouer fine et de rester stratégiquement derrière lui en attendant une opportunité pour le piéger. Nous prenons rapidement de l'avance sur les autres concurrents. J'ai pas de chance au niveau des cases mystères: des pièces et des carapaces vertes. Je n'arrive pas à toucher mon pote. Il me faudrait une belle carapace rouge pour le dégommer au dernier moment ou ce foutu éclair pour lui rendre la monnaie de sa pièce. Non, j'obtiens une peau de banane. Je m'en débarrasse immédiatement avant le propulseur et le tremplin qui passe au-dessus de la première partie du circuit. Grâce à une conduite irréprochable, à une bonne maîtrise des virages à l'aide des boutons L et R, je double Mario sous ses insultes. Si proche de gagner contre moi pour la première fois, il est coriace! Cela me fait rire, mais je me reconcentre immédiatement et conduis vers la victoire. Quelque mètres avant le tremplin, je glisse sur une peau de banane au lieu de passer sur le propulseur et me retrouve au tout début de la course. Dernier ! Ah le con, c'est la peau de banane que j'avais abandonnée sans réfléchir. Tiens, dans ta gueule!!! Je ne peux plus rien faire, Mario gagne la course. Shit.


Arnaud est fou de joie. Il a quand même le réflexe de poser délicatement la manette sur la table (j'ai hérité d'un truc de mon père: moi, c'est ma console qu'il faut pas abîmer) avant de se lancer dans un solo sur une guitare invisible en suivant le rythme de son groupe grunge préféré.

Je regarde l'écran de télévision, perdu. Je ne suis même pas sur le podium final. Un poisson gonflable passe au-dessus des gagnants. Mario ouvre une bouteille, qui logiquement, selon le contrat moral de Nintendo, n'est pas du champagne mais du Champommy, et explose le pauvre poisson. Je comprends sa douleur. Moi aussi, je viens de me vider de toute substance intérieure. Punaise, j'ai perdu. Power off sur la console.

http://www.hieronymusdonnovan.com/real-tv/

Hiero

2 commentaires:

  1. Oh mon dieu, quel article génial ! Je me suis parfaitement reconnu là dedans. Putain ouais, le dernier circuit si facile, et pourtant combien de fois a t-on pu perdre avec ce putain de propulseur....
    Tu as définitivement fait entrer dans la légende le cocktail Mario Kart/Nirvana.
    Merci.

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  2. Merci !!
    Fais toi plaisir en commandant un exemplaire ;-) D'autres jeux sont au centre de l'histoire, notamment pendant une autre partie d'un jeu mythique. Et dans Real TV, il n'y a pas que des jv, il y a aussi un intrigue surprenante.

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