Anecdotes de gamers
Une fois par mois (parfois deux) un joueur expérimenté (de la catégorie des passionnés les plus vifs) nous fait revivre une licence, un jeu marquant, une console... autour de ses souvenirs personnels, d'anecdotes inédites et autres petits plus qui forgent le style et la passion.
Il est un jeu on ne peut plus régulièrement cité parmi les chefs d'œuvre
du média : The Legend
of Zelda: A Link to the Past. Sorti en 1991 sur la « petite reine
» des consoles, la Snes (la Neo-Geo ayant déjà volé
ce titre par le passé),
il a véritablement contribué
à faire de la Légende de Zelda la
saga que l'on connaît encore aujourd'hui. Certes,
le
premier épisode, fondateur, avait jeté un pavé dans la mare en proposant
une immense aventure aux nombreux secrets, contribuant à créer une
communauté qui aujourd'hui encore étonne par sa longévité ; mais Zelda II avait déçu par ailleurs,
et tout un
chacun attendait alors le retour du roi. Nintendo, en proposant
une épopée longue et haletante, garnie de secrets et de miracles, avait parfaitement rempli son contrat et même fit la joie
de mes compatriotes en proposant,
c'était encore très rare, une
traduction française d'excellent aloi sur notre territoire.
Le jeu se voulait d'une longueur démesurée : les publicités d'alors montraient un squelette affalé sur un fauteuil, une manette en main, devant sa télévision allumée, et le slogan de préciser :
Au fur et à mesure du temps, parcourir A Link to the Past nous révèle qu'un jeu vidéo, ou qu'une
œuvre quelconque par ailleurs, est
bien plus que la
somme de
ses parties. Certes, graphiquement, la Super Nintendo détonne
en proposant des sprites incroyablement fins et détaillés, des effets de transparence, d'éclair, de pluie impressionnants
; certes, musicalement, les compositions
de Koji Kondo étonnent par leur justesse
et leur grandiloquence, de la ritournelle wagnérienne qui accompagne
l'écran titre à la sombre valse des donjons en passant par la douceur
du village Cocorico
; certes, ludiquement, les énigmes diverses
mangent à tous les râteliers, du labyrinthe pervers
aux murs dérobés,
des combats acharnés
à l'astuce espiègle et à l'agilité preste ; mais il serait pour le moins réducteur de ne considérer ce jeu que comme un assemblage de tous ces éléments, comme s'il fallait mettre sans ordre ni mesure dans une grande marmite truffes, safran des Indes
et champagne pour
émoustiller les papilles. Ce qui apparaît progressivement, c'est qu'au
contraire de certains cuistots en herbe, ici, tous s'accorde
agréablement, magiquement, comme allant de
soi. Impossible de ne pas
fredonner le thème
des bois perdus alors que le brouillard
les enveloppe et que les voleurs nous harcèlent ; les trompettes du Monde des Ténèbres grandissent en nous alors que nous
parcourons les étendues
de poussière en décimant les cyclopes pyromanes ;
et quand, au sortir d'un éprouvant
combat nous ramassons ce pendentif ou
ce cristal et que cette mélodie à présent
bien connue s'entonne, ne sont-ce pas les battements de notre cœur
qui semblent sourdre des enceintes de la télévision ?
Avec le recul réconfortant des années, A Link to the Past apparaît de plus en plus comme un « cas d'école », et je ne serai point surpris d'apprendre qu'on le donne à étudier aux potaches comme modèle illustre à imiter. Sans aller jusqu'à dire que le jeu est parfait, car aucun ne l'est réellement, force est de saluer sa brillante résistance aux affres du temps, le plaisir immédiat et sans ambages qu'il offre dès l'instant où on commence l'aventure, la mélancolie qui peut se dégager de certaines de ses séquences. Il parvient même à accomplir ce que nous avons depuis oublié, l'osmose parfaite entre ludisme et narration, entre histoire et jeu : car la trame de A Link to the Past a, depuis, inspiré nombre d'épigones.
Le manuel du jeu est ainsi un indispensable à quiconque voudrait se plonger dans l'aventure : en plusieurs pages richement illustrées le voilà nous conter le mythe des trois déesses, la création de la Terre d'Or, l'arrivée du Sorcier, et l'histoire de s'achever là où commence toute partie. Dans sa petite chambre qu'il partage avec son oncle, Link est éveillé par la voix d'une jeune fille qui le supplie de venir la secourir dans les geôles du palais royal. Son parent sort de la demeure, lourdement harnaché, lui recommandant de s'endormir : mais la curiosité l'emporte bientôt et c'est sous une pluie battante qu'il parviendra à trouver l'entrée d'une cave dérobée et qu'il obtiendra, des mains ensanglantées de sa seule famille, l'épée et le bouclier séculaire qui lui permettront de fendre le diable. En moins d'un instant, le joueur est alors plongé dans une quête dont le rythme ira crescendo et ce sans faire appel à de lourdes cinématiques, à de longs dialogues ou autres artefacts débiles destinés à nous intéresser : ce que propose Zelda III se suffit à lui-même. Il est le buisson ardent qui murmure : « je suis qui je suis », et rien de plus ; il est l'évidence faite jeu, et sa perfection est atteinte non dans le sens qu'il n'est rien à ajouter, mais qu'il n'est rien à enlever.
S'il me fallait cependant reprocher quelque chose, ce serait bien ceci : sa facilité assez déconcertante pour qui aurait suivi la saga depuis ses débuts. L'immense sensation d'indépendance qui nous étreignait sur Nes a été troquée pour une liberté conditionnelle, dépendante directement et unilatéralement de l'acquisition des divers objets d'inventaire qui agissent souvent à la façon de « clés » permettant d'ouvrir de spécifiques serrures, rochers trop lourds à soulever et demandant un gantelet magique ou palmes permettant d'explorer les lacs et rivières. Contrairement alors à ses ancêtres, impossible pour le joueur hagard de se retrouver perdu au cœur du troisième temple alors qu'il cherchait le tout premier d'entre eux !
Cette structure, peut-être mieux affiliée à la série des Metroid, a le grand mérite cependant d'obliger le joueur à se fixer des objectifs clairs et, surtout, de se remémorer lors de ses explorations les endroits alors inaccessibles et où il devra revenir une fois l'expérience idoine acquise ; et quand bien même serait-il alors assez fort pour affronter les épreuves qui l'attendent au-delà de ce mur, encore lui faut-il résoudre les puzzles ignobles que lui ont préparés les concepteurs du jeu. Contrairement même à ce qui s'observera à l'avenir, les développeurs ont réussi ici à ménager quelque peu la « chèvre et le chou » et à proposer une aventure qui sait encore se faire rude du point de vue de l'action, et il n'est pas rare d'être submergé par les ennemis alors que l'on cherche son chemin à la lueur d'une faible lanterne : tout est fait, cependant, pour permettre aux joueurs de terminer cette quête même s'il faut parfois suer à grosses gouttes face à un patron récalcitrant.
Tout ceci, je dois le dire, me passait au-dessus du ciboulot à l'époque. J'ai connu A Link to the Past relativement tard, peut-être en 1995 ou 1996, je devais avoir une dizaine d'années, tout au plus. Fervent lecteur de la presse vidéoludique, des Ultra Player, des Super Power et autres, je ne cessais de me faire rabâcher les oreilles par ce Zelda III que je ne connaissais ni d'Ève, ni d'Adam, pas plus que le reste de la saga par ailleurs. Finalement, j'ai demandé à ma mère de me le commander par l'intermédiaire de la Redoute et, une fois le colis reçu, je m'empressais d'y jouer. Je n'ai même pas su atteindre la fin du tout premier donjon et libérer la princesse : je mourrais lamentablement dévorés par les rats et les serpents. De colère, j'éjectais la cartouche de la console et ne la ressortais que quelques mois plus tard. Il faut dire également qu'à cette époque je ne me piquais guère de jeux d'aventure : je ne me consacrais qu'aux jeux de plates-formes, aux Mario, aux Donkey Kong et autres et aux puzzle-games, étant toujours imbattable à Tetris et à Dr. Mario. Ce n'est qu'alors que j'y repensais succinctement, et que je trouvais dommage de passer à côté de ce que l'on me vendait comme un jeu d'exception, que je me fis souffrance et compris alors tout ce que je viens de vous raconter. Comme le dira un jour Bill Watterson, créateur de Calvin & Hobbes : « Right lesson, wrong moment. » Il est des œuvres que l'on ne peut apprécier qu'avec abnégation ou en attendant le moment idoine, et c'est d'ailleurs ce pourquoi je redonne toujours une seconde chance à ce que je n'ai guère aimé, quelques temps après, pour confirmer ou infirmer mes impressions premières : l'âme doit parfois s'épanouir un peu pour goûter le parfum des roses.
Quoi qu'il en soit, je me suis surpris à jouer de façon maniaque à A Link to the Past et encore à présent, je ne pense pas qu'il ne se passe une année sans que j'y revienne, sur la console originale, sur sa réédition sur Game Boy Advance ou par l'intermédiaire de la Virtual Console ; je dois à présent connaître le moindre de ses secrets, la moindre de ses touffes d'herbe, j'ai dû soulever toutes les poteries, tuer tous les monstres. Plus que d'autres jeux que j'ai pourtant épuré au combien, les Little Big Adventure, les Abe's Oddysee, les Rayman, il est celui que je connais jusqu'au bout des doigts et je puis sans nul doute le faire les yeux fermés.
Mon obsession pour ce titre a eu une retombée malheureuse, puis-je dire, mais on peut toujours en
discuter : je n'ai su faire autrement que de comparer les jeux d'aventure, en deux dimensions
mais également en trois et jusqu'à aujourd'hui, à A Link to the Past. Leur rythme, leur
grandiloquence, leur profondeur, leur intelligence, leurs musiques,
tout ceci et bien d'autres choses
doivent rivaliser avec
les
sentiments que
j'ai pour cet épisode précis de la
plus connue des légendes.
Peu d'entre eux, il faut le dire
également, rivalisent parfaitement
même si
certains parviennent à
s'en approcher, ce qui est déjà honorable
: mais médiocre est l'élève qui ne dépasse pas le maître et
j'attends encore, l'œil
aiguisé mais le cœur
ouvert à toutes les surprises, l'étudiant qui saura un jour me faire oublier le
professeur qui m'asséna un tel magister dixit.
Mathieu
Goux
« Sans
doute plus auteur qu'acteur et moins menteur qu'on ne pourrait le croire, je
passe mes journées entre mon travail de chercheur en linguistique, la rédaction
de mes romans et l'écriture du jeu vidéo. De là, je pense être scientifique sur
Radio01.net, nostalgique sur Grospixels.com et vindicatif sur Zeplayer.com. Je
ne sais encore si je serai spécialiste en lettres et amateur en jeu vidéo ou le
contraire ; mais tant que la musique joue, j'écrirai. »
Il y a actuellement un jeu mobile qui ressemble fortement à Zelda, il s’appelle Oceanhorn. Est-ce que tu as eu vent de ce ludiciel, dis ? Par ailleurs, si tu es aussi fan de jeux mobiles, je t’invite à découvrir le jeu de réflexe Ninja Barbecue Party, tu ne seras pas déçu ;) ! https://play.google.com/store/apps/details?id=fr.virgoplay.application.ninja_bbq_party
RépondreSupprimerToute mon enfane !
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